Une noisette, un livre
Villa des femmes
Charif Majdalani
Une
famille, un destin, un déclin. Trois vocables résument ce précieux
roman de l’écrivain libanais Charif Majdalani, le tout enveloppé
de phrases délicates et recherchées aux effluves orientales.
Hayek,
une histoire clanique, solide, dans le Liban des années 60 mais qui
va devoir affronter quelques années plus tard une guerre civile.
Dans cette maison entourée d’eucalyptus et d’orangers, vivent
Skandar le père, Marie l’épouse, Karine/Noula/Hareth les enfants
mais aussi l’intrigante Mado, sœur de Skandar, et des employés
dévoués comme Jamilé ou Noula, ce chauffeur qui narre l’épopée
des Hayek. Au fil des événements, intérieurs ou extérieurs,
l’arbre familial verra ses branches se rompre progressivement mais
essaiera de tenir grâce à la vaillance des femmes dans un monde
masculin, espérant que l’un de la dynastie reviendra pour faire
redémarrer les racines.
A
travers cette saga, l’auteur nous fait partager l’ambiance
libanaise, celle de la sérénité mais, hélas, celle aussi des
divisions guerrières. C’est également un voyage à travers
l’Asie, de l’Iran jusqu’aux frontières de la Chine en passant
par la Jordanie et l’Afghanistan. Et c’est ainsi que ce roman
tisse les liens entre ces nations, entre les histoires intimes d’une
lignée et les secousses politico-religieuses du Proche et Moyen
Orient, la beauté, la tristesse, l’amour, la haine... les passions
aussi.
Il
paraît que la littérature libanaise ne déçoit jamais. Ce dernier
roman de Charif Majdalani en est une certitude.
A
dévorer mais lentement...
Pour
vous faire saliver les babines, je retranscris un passage qui dès sa
première lecture a le don de vous faire chavirer...
"Il
ne songeait pas à la ridicule vanité des hommes face à un cosmos
qui les ignorait et ne saurait jamais rien d’eux ni de leurs
milliers d’années de civilisation, il ne songeait pas non plus au
fait, que, au regard du scintillement infini de l’univers,
l’histoire humaine n’avait sans doute pas plus de consistance
qu’une seconde ou deux de l’existence d’un individu sur terre.
Non, il pensait au contraire qu’à un moment éphémère de
l’histoire insondable du cosmos et de son temps infini, une
intelligence et une conscience éphémères, celles des êtres
humains, comme un miroir avaient reflété et pensé cette immensité
à laquelle aucune autre intelligence n’avait donné d’existence
ni de sens et n’en donnera probablement jamais plus (…) cette
nuit afghane avait été sa part d’immortalité".
Prix Jean Giono 2015
Prix France-Liban 2017
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